Avec l’arrivée du mois de mai, l’activité se fait intense au rucher. Les colonies explosent littéralement, et l’apiculteur ne sait où donner de la tête. Ici en Lozère entre la vallée du Lot et le sud Aubrac, le pissenlit a donné le départ des grandes miellées (se dit de la sécrétion, en quantité, de nectar par certaines espèces de plantes à fleurs, dites mellifères), puis les arbres fruitiers, les prunelliers, et en cette mi-mai, aubépine et érable prennent le relais. Ces miellées permettent à la ruche de reconstituer ses réserves et ont pour conséquence de stimuler la ponte de la reine, seule femelle féconde de la ruche. Sa ponte journalière se situe entre 1000 et 2000 œufs par jour, soit l’équivalent de son propre poids.
Pour faire face à cette rentrée de nourriture abondante, l’apiculteur se doit d’offrir un lieu de stockage du miel supplémentaire : La hausse. Cet « étage », qui se rajoute sur la ruche, peut contenir jusqu’à 15 à 18 kg de miel lorsqu’il est plein. Lors des bonnes saisons, plusieurs hausses peuvent s’empiler. On les récolte au fur et à mesure de la maturité du miel contenu dans chacune.
La population de la ruche augmente rapidement, et celle-ci peut s’avérer trop étroite. La surpopulation peut entraîner une cascade de réactions et aboutir à l’essaimage, si plusieurs facteurs concordent : Age de la reine, météo, abondance de nourriture, déséquilibre sociologique de la population, mauvaises pratiques de l’apiculteur, prédispositions génétiques…
L’essaimage a de tout temps fasciné l’homme par son spectacle saisissant de milliers d’abeilles s’envolant en un nuage bourdonnant. Cet instinct naturel chez l’abeille, lui a permis depuis des millions d’années de disperser l’espèce à travers les continents. C’est ainsi que nos abeilles ont colonisé l’Europe et l’Afrique en provenance d’Asie. Ce phénomène permet une multiplication (non sexuelle) de l’espèce, et un rajeunissement de la souche. Pour faire simple, la vieille reine est poussée par ses filles à quitter la ruche pour aller s’installer ailleurs. Afin de faciliter son envol, les ouvrières cessent de l’alimenter et la font jeûner. Entre temps les ouvrières ont pris la précaution de démarrer l’élevage de futures reines (cellules royales), et juste avant l’émergence de celles-ci, l’essaim prend son envol.
Environ la moitié des ouvrières de la ruche prennent leur envol avec la reine mère. Avant leur départ, celles-ci se sont gavées de miel afin d’affronter les aléas de ce voyage.
Une fois le signal donné, les abeilles se jettent frénétiquement hors de la ruche, en un nuage vibrant. Souvent l’essaim se pose à proximité du rucher, sur une branche, il fait étape avant d’aller s’installer dans son abri définitif. Cette grosse grappe d’abeille attend le retour d’ouvrières éclaireuses, parties à la recherche d’une cavité sombre et abrités des intempéries (tronc d’arbre creux, vieille ruche inoccupée, cheminée, espace entre la fenêtre et les volets des habitations…). Après le compte rendu de celles-ci, l’essaim reprendra son envol, afin de gagner le lieu tant vanté. Parfois certains essaims n’arrivent pas à se décider, et meurent sur place dès les premiers froids.
Durant la période d’essaimage l’apiculteur est sur le qui-vive, afin de récupérer ces « déserteuses ». Si l’essaim est posé depuis peu sur une branche au ras du sol, pas de problème, mais si celui ci est dans une cheminée à 15 m du sol…
L’essaimage est un phénomène naturel de dispersion de l’espèce, mais cet instinct contrarie les ambitions de l’apiculteur. En effet, une ruche qui essaime perd une bonne partie de sa vigueur, et le temps qu’une nouvelle reine prennent place, donne naissance à sa descendance et que celle-ci soit apte à butiner, souvent la saison est terminée. Une ruche qui essaime ne produira donc pas ou très peu de miel durant la saison. Pour limiter l’essaimage (on ne peut pas l’éviter à 100%), l’apiculteur essaye d’anticiper ce phénomène en ponctionnant des cadres de couvains avec leurs abeilles pour constituer de nouveaux essaims (essaimage artificiel), en donnant des cadres à bâtir aux abeilles, en augmentant le volume de la ruche par la pause de hausses, en changeant les reines âgées… iTop VPN Crack
Par contre l’essaim qui quitte une ruche, s’il est récupéré, peut être d’une grande vigueur, et peut tout à fait produire du miel quelques semaines plus tard, si toutefois la vieille reine conserve des capacités de fertilité. Cet essaim, juste après son départ, est la plupart du temps très calme, les abeilles piquent peu, car leur abdomen est gorgé de miel. Si la vieille reine féconde fait partie d’un essaim, on parle d’essaim primaire, mais il peut y avoir des essaims dit secondaires, tertiaires… En effet en amont de l’essaimage, les ouvrières élèvent plusieurs futures reines. En principe la première à naître après l’essaimage tue ses rivales, mais il arrive que les ouvrières empêchent ce massacre, par prudence, et plusieurs jeunes reines vierges peuvent cohabiter quelques heures dans la ruche. Quand la pression se fait trop importante, ces jeunes reines vierges peuvent quitter la ruche, accompagnées par quelques centaines d’ouvrières. Ces petits essaims ne sont pas très intéressants pour l’apiculteur, car ils auront du mal à se développer pour affronter l’hiver.
Le téléphone sonne régulièrement durant cette période, et l’apiculteur fait office de service public, afin d’enlever ces essaims qui inquiètent les propriétaires des terrains concernés. Selon le code rural, l’essaim appartient au propriétaire du terrain sur lequel il se pose, et les pompiers ne peuvent détruire les essaims d’abeilles.
Pour récupérer l’essaim, on secoue celui-ci devant la ruche ou sur la ruche ouverte, en fonction de sa situation. Si le nouvel abri convient, on observe un véritable phénomène d’aspiration des abeilles à l’intérieur de la ruche. Mais l’essaim peut malgré tout déserter ce nouvel abri quelques heures plus tard…
L’apiculteur ne peut récupérer tous les essaims qui partent de ses ruches, et leur « cueillette » peut prendre beaucoup de temps. Donc autant limiter le risque au minimum en anticipant celui-ci.
La population des ruches est restée importante durant tout l’hiver, donc nous retrouvons des ruches en surpopulation dès la mi-avril, ce qui favorise l’essaimage. Au vu des informations de divers apiculteurs locaux et plus largement, la fièvre d’essaimage est très forte cette année, et de nombreux essaims « pendent aux branches ». En ce mois de mai la gestion des ruches est un peu comme le lait sur le feu…
Voilà il va falloir continuer à surveiller de près les colonies jusqu’à la fin de la fièvre d’essaimage, qui peut durer jusqu’à mi juin, si l’on souhaite prétendre à une récolte. Les premières hausses sont déjà bien remplies et il faut dès à présent songer aux premières récoltes de miel de printemps, et mettre en place un plan de transhumance pour poursuivre les miellées d’été.
A bientôt
Damien Berthoulat, 17/05/16