Quel début de saison !
En Lozère, après un hiver long et peu lumineux, abeilles et apiculteurs avaient hâtes de prendre l’air et de profiter des prémices printaniers. Il faudra attendre mi avril pour pouvoir effectuer les premières visites approfondies de toutes les colonies, et dresser le bilan de l’hiver. Peu de pertes pour ma part, mais malheureusement la litanie des hécatombes se fait de plus en plus longue un peu partout en France, laissant de nombreux apiculteurs totalement démunis et souvent impuissants face à ces pertes catastrophiques. De nombreuses causes peuvent se combiner, mais la dégradation de notre environnement ne fait qu’accentuer ces phénomènes.
La Lozère ne fait pas exception, malgré sa situation environnementale privilégiée, la sècheresse de l’été et de l’automne 2017 aura empêché de nombreuses colonies à se préparer correctement pour affronter l’hiver, provoquant ainsi une surmortalité, malgré les soins de l’apiculteur. Notre activité est intimement liée à la nature et à la météo. De plus la saison d’apiculture en montagne est relativement courte, ce qui limite la période de butinage de nos abeilles à environ 4 mois. Si durant cette période les conditions météorologiques ou naturelles ne sont pas réunies, c’est toute une année d’effort qui peut s’effondrer, c’est dire si cette période est cruciale, et stressante, pour l’apiculteur.
La dernière quinzaine d’avril fut propice à la visite de chaque ruche en détail, afin d’en déterminer son usage à venir (production, élevage, multiplication…). Cette visite de printemps est cruciale pour la conduite du cheptel de la future saison. Cette brève période de beau temps aura permis une floraison exubérante du pissenlit, malheureusement les ruches n’étaient pas suffisamment développées pour permettre une première production. Le début du mois de mai vit le retour de la pluie (et de la neige en conséquence le 12 mai !) qui ne nous lâchera plus jusqu’à la mi juin. Fraicheur et humidité sont peu propices au développement des colonies, certains secteurs connaissant même des famines nécessitant l’intervention de l’apiculteur pour éviter la mort des colonies.
L’instinct d’essaimage
Les brèves accalmies ont favorisé le développement de l’instinct d’essaimage des colonies. Lors des longues périodes de claustration, les abeilles ne sont plus occupées à leurs différentes tâches. Et du fait d’une mauvaise circulation des phéromones de la reine à l’intérieur de la ruche engorgée, les ouvrières élèvent de futures reines, dont la première prendra la tête de la colonie, en remplacement de l’ancienne, contrainte à partir avec une partie de ses filles vers d’autres horizons. L’essaimage, instinct naturel chez l’abeille, vient contrarier la production de l’apiculteur, car une ruche qui essaime ne produira pas ou peu de miel durant la saison. Ainsi l’apiculteur met en place différentes stratégies afin de limiter cet essaimage, même s’il est illusoire de l’empêcher complètement. Cette fièvre d’essaimage qui s’exprime au mois de mai et juin, met tout le monde à l’épreuve. L’apiculteur doit visiter toutes les ruches chaque semaine afin de détecter les signes de l’essaimage (les abeilles bâtissent des cellules spéciales pour élever les futures reines, dites « royales »), et avec le temps médiocre les abeilles nous font vite comprendre qu’il n’est pas très opportun de venir les visiter, accueil piquant garanti…
Cette période est aussi celle de la multiplication du cheptel, de l’élevage de reines et de l’agrandissement des ruches par la pose des « greniers à miel » (la hausse)… Bref, l’apiculteur est sur tous les fronts. Et quand en plus les hausses restent désespérément vides le moral est au plus bas.
Les beaux jours reviennent
Heureusement cette mi juin voit le retour de conditions estivales bienvenues, qui correspondent au pic de miellée pour nous en moyenne montagne. La diversité des terroirs Lozériens permet une exubérance des floraisons, et permet d’envisager la production de divers miels : Sainfoin, lotiers et serpolet-thym sur les Causses (plateaux calcaires), framboisiers et fleurs des prairies naturelles de montagne sur sol acides en altitude (Margeride et Aubrac), Tilleuls, ronces et châtaigniers le long de la vallée du Lot. Il faut savoir être réactif, et prêt à transhumer les ruches au besoin.
Il est toujours étonnant dans ces conditions optimums, de voir les colonies prises d’une frénésie de butinage, comme si elles devaient rattraper le retard du printemps. L’apiculteur souffle et peut envisager une récolte correcte si la météo reste propice en ce tout début d’été. A suivre donc dans un prochain épisode, en espérant pouvoir vous donner de bonnes nouvelles…
Damien Berthoulat 25/06/18